Le Laboratoire « Le Lab »

Entrez dans l'univers de mon atelier, où chaque projet commence par l'exploration et l'expérimentation des médiums et matériaux. Sur cette page, je partage des instants capturés au cœur de mon processus de création, là où mes idées prennent forme. C'est ici, dans cet espace de recherche, que mes œuvres voient le jour, chaque découverte nourrissant ma pratique artistique.

  

Les fleurs : figer l’éphémère dans la pierre

Les fleurs, dans leur cycle de vie, incarnent pour moi une vérité fondamentale : elles changent de forme avec le temps, passant de la promesse d’un bourgeon à l’épanouissement éclatant, puis à la décomposition. Pourtant, dans cette évolution constante, chaque fleur reste fidèle à son essence. Une tulipe ne sera jamais une jacinthe ; leur identité première demeure intacte, malgré les transformations de leur apparence.

    

Dans cette série, j’ai voulu capturer cette tension entre le changement et la permanence en sculptant des fleurs dans la pierre. La pierre, par sa nature immuable, contraste avec la fragilité des pétales, et pourtant, elle leur offre une sorte de perpétuité. Ces sculptures sont inspirées de fleurs associées à des divinités, une manière de relier la nature et le sacré, le temporel et l’éternel.

Mais ces sculptures ne sont pas simplement des hommages à la beauté des fleurs. Elles résonnent aussi avec les préoccupations contemporaines : le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, la fragilité de l’écosystème. En pérennisant ces formes dans la pierre, je questionne ce qui, dans la nature, pourra nous survivre, comme les monuments des civilisations anciennes témoignent encore de leur passage.

    

Quand la matière s’efface, l’idée demeure : deux sculptures comme points de départ

Dans ma pratique artistique, deux sculptures particulières ont joué un rôle clé dans ma réflexion sur la relation entre le monde matériel et l’immatériel. À travers elles, j’ai exploré comment les formes, même érodées ou fragmentées, continuent de résonner dans nos esprits et dans notre histoire collective.

C’est en revisitant ces œuvres que je me suis rapproché de la notion platonicienne des formes intelligibles: l’idée que derrière chaque objet sensible se cache une essence intemporelle, une «forme» immatérielle qui en constitue la véritable nature.

La sculpture de Quetzalcoatl : une méditation sur l’érosion et la mémoire

La première sculpture s’inspire de l’iconographie maya et représente Quetzalcoatl, le serpent à plumes, dans un état partiellement détruit. Érodée comme si elle avait traversé les siècles, la sculpture révèle, à travers les trous de sa surface, un dessin interne de son état originel.

Cette œuvre exprime une idée qui m’est chère: lorsqu’un objet physique se dégrade, il subsiste souvent une image mentale de ce qu’il était. Dans le cas de Quetzalcoatl, l’érosion ne détruit pas seulement; elle invite à imaginer ce qui a été, à reconstruire mentalement une forme perdue.

Lien avec les formes intelligibles

Platon soutenait que le monde matériel est une imitation imparfaite d’un monde d’idées intemporelles. Cette sculpture illustre cette notion : même lorsque la matière s’efface, l’idée persiste. Le dessin intérieur de l’œuvre agit comme une métaphore de cette idée universelle, immatérielle et intemporelle, qui reste intacte malgré l’érosion du temps.

    

Le mur en ruine et la résonance des formes

La seconde sculpture représente un fragment de mur en béton, marqué par un trou central, comme une cicatrice laissée par le passage du temps ou par une guerre. À travers ce trou, on distingue une petite sculpture ancienne, une Vénus, dont la forme semble épouser parfaitement celle du vide.

Autour de cette Vénus, gravées sur le mur, se trouvent des représentations historiques de cette figure mythologique: des œuvres d’artistes allant de Manet à Rubens. Cette juxtaposition met en lumière l’idée que certaines formes traversent les âges et les cultures, perdurant dans notre imaginaire collectif.

Lien avec les formes intelligibles

La Vénus, figure intemporelle, incarne une essence universelle. Le trou dans le mur, en résonance avec sa forme, symbolise le passage du matériel à l’immatériel. Même dans les ruines, ces formes continuent de réapparaître, témoignant de leur nature indéfectible et de leur lien profond avec l’humanité.

   

Un cheminement intuitif vers une réflexion philosophique

Ces deux sculptures m’ont amené à réfléchir à la manière dont l’art agit comme un pont entre le visible et l’invisible. Elles m’ont permis de comprendre, même intuitivement, des idées proches de la théorie platonicienne des formes intelligibles.

  • L’érosion comme métaphore du temps : La matière disparaît, mais l’idée ou la forme persiste, sous une autre forme – mentale, visuelle ou imaginaire.
  • Les figures universelles : Certaines formes, comme la Vénus, transcendent leur contexte d’origine. Elles sont des «formes intelligibles»: des idées intemporelles qui traversent l’histoire et les cultures.
  • L’art comme trace : En explorant ces thématiques, j’ai pris conscience que chaque œuvre, même lorsqu’elle se dégrade, laisse une trace – physique ou mentale – qui continue d’exister.

Une réflexion en perpétuelle évolution

Ces sculptures ont été un point de départ pour approfondir ma réflexion sur l’art, le temps et la mémoire. Elles m’ont conduit à interroger le lien entre le tangible et l’intangible, et à intégrer ces questions dans ma pratique artistique actuelle.

En les revisitant à travers le prisme de la théorie platonicienne des formes intelligibles, je réalise qu’elles incarnent une quête : celle de comprendre ce qui fait qu’une forme ou une idée perdure, malgré le passage du temps et l’érosion des matériaux.

De l’artefact à la forme 

Explorer la matière et l’idée : une série de dessins entre tangible et universel

Dans ma pratique artistique, je m’interroge souvent sur ce qui reste d’un objet ou d’une forme quand le temps fait son œuvre. Les artefacts archéologiques, érodés mais porteurs d’histoires, m’ont toujours fasciné. Leur surface abîmée et leur matière fragmentée racontent une histoire visible, mais ils évoquent aussi une idée plus vaste, une essence qui dépasse leur présence matérielle.

C’est cette dualité que j’ai voulu explorer dans ma récente série de dessins.

L’écho des artefacts : entre mémoire et métamorphose

Chaque dessin de cette série s’inspire d’artefacts réels – statues, bas-reliefs ou objets sculptés – qui témoignent des civilisations passées. Ces formes tangibles, souvent marquées par l’usure du temps, incarnent la mémoire collective de l’humanité. Elles représentent un point de départ concret : la matière façonnée par l’homme, porteuse de symboles et de significations spécifiques à leur époque.

Mais ces artefacts ne sont pas figés dans leur histoire. À mesure qu’ils se dégradent, ils perdent leur figuration précise, leur lisibilité. Ce qui reste, ce sont des fragments, des silhouettes presque abstraites qui laissent place à l’imaginaire.

La superposition des formes : rendre visible l’intangible

Dans chaque dessin, j’ai voulu juxtaposer deux niveaux de représentation :

  • D’un côté, des formes lisibles, directement inspirées des artefacts. Elles rappellent l’héritage de ces divinités mythologiques, ces figures qui ont traversé les siècles et nourri notre culture visuelle contemporaine.
  • De l’autre, des formes abstraites, intangibles et évanescentes, qui se superposent à ces artefacts. Ces formes plus fluides et insaisissables évoquent l’idée d’une essence universelle, quelque chose qui dépasse la matière visible.

Cette dualité entre le tangible et l’intangible reflète la notion d’eidos, telle que définie dans la philosophie platonicienne. L’eidos, ou "forme intelligible", désigne une réalité intemporelle et immatérielle, que les objets sensibles ne font qu’imiter.

    

Une invitation à la contemplation

Mon objectif, à travers cette série, est d’inviter le spectateur à aller au-delà de ce qui est visible. Ces dessins ne sont pas simplement une représentation d’artefacts ou de figures mythologiques ; ils sont aussi une réflexion sur le temps, la mémoire, et la manière dont les idées transcendent la matière.

En naviguant entre les formes lisibles et abstraites, le spectateur est amené à interroger ce qui fait l’essence d’une œuvre ou d’une idée. Qu’est-ce qui subsiste quand la matière s’efface ? Quelles histoires peuvent émerger des fragments laissés par le temps ?

Cette série est pour moi une manière de rendre hommage à l’histoire humaine tout en explorant les notions d’intemporalité et de transformation. À travers elle, je tente de saisir ce lien fragile entre le monde sensible, que nous pouvons voir et toucher, et le monde intelligible, fait d’idées et de significations universelles.

    

De l’eidos à l’épitomé : résumer une forme, capter une essence

En cherchant un nom pour cette série, le mot épitomé m’est apparu comme une évidence. À la croisée de la philosophie et du langage courant, ce terme désigne un résumé, une réduction qui conserve l’essence d’un sujet. Il entre en résonance avec le concept d’eidos, cette idée platonicienne d’une forme universelle et intemporelle.

Mes dessins explorent cette tension entre matérialité et abstraction. Quand une image est réduite à ses éléments essentiels, perd-elle de son sens ou révèle-t-elle, au contraire, quelque chose de plus universel ?

Laisser place au vide : l’épitomé à son apogée

Avec le temps, j’ai commencé à réduire encore davantage mon intervention. Dans certains dessins, je renonce au contraste additionnel, laissant les figures en suspension, comme des échos ou des fragments.

Ces dessins, à la fois intangibles et puissants, incarnent l’esprit d’épitomé : un équilibre fragile entre présence et absence, où chaque trait compte. Ils rappellent que parfois, c’est ce qui manque ou disparaît qui révèle l’essence de ce qui est.

    

Trouver un équilibre entre flottement et profondeur

Dans un premier temps, ces figures obtenues par aspiration semblaient flotter, presque trop éthérées. Pour contrebalancer cette légèreté, j’ai introduit une seconde étape : des traits plus noirs, dessinés directement au fusain brut, pour ancrer certaines zones de l’image. Ce contraste non seulement stabilise la composition, mais ajoute aussi un sentiment de profondeur et de volume.

Ce dialogue entre la lumière révélée et les traits sombres rappelle une dualité : celle du visible et de l’invisible, du tangible et de l’intangible.

    

 

 

Scélérate : dessiner les forces invisibles de l’océan

Dans ma série de dessins intitulée Scélérate, j’ai exploré une thématique qui, bien qu’apparemment éloignée, résonne profondément avec les préoccupations qui ont traversé mon parcours artistique : la transformation des formes sous l’effet des forces du temps, du mouvement et de l’effacement.

Inspiré par l’immensité et la puissance des océans, ce travail s’est concentré sur les vagues scélérates, ces masses d’eau soudaines et imprévisibles qui surgissent pour bouleverser l’horizon. Par leur houle et leur écume, elles re-dessinent temporairement le paysage marin, créant un espace horizontal déformé, presque chaotique. Sous la surface, des forces mystérieuses entrent en résonance, repoussant et effaçant la ligne d’horizon dans un jeu de déplacements et de tensions.

Le fusain comme médium pour capter l’éphémère

Pour retranscrire ces phénomènes dans mes dessins, j’ai employé une technique au fusain que je cherchais alors à maîtriser. À travers des superpositions successives de couches de poudre, que j’effaçais partiellement au gommage, je tentais de rendre perceptibles ces forces invisibles qui animent la surface de l’eau. La méthode me permettait d’obtenir des nuances de gris vibrantes, évoquant les contrastes entre la profondeur sombre de l’océan et l’éclat fugace des crêtes d’écume.

Ce processus, à la fois méthodique et intuitif, reflétait bien la nature des vagues scélérates : un équilibre précaire entre ordre et chaos, entre calme et explosion.

    

Un point de bascule dans ma pratique

Scélérate a marqué un tournant dans ma manière de concevoir le dessin. En m’immergeant dans ces paysages marins, j’ai commencé à comprendre que ce n’était pas seulement la représentation du visible qui m’intéressait, mais aussi la captation de l’invisible – les forces et les idées sous-jacentes qui façonnent les formes que nous voyons.

Ce travail m’a conduit à pousser plus loin mon exploration du fusain, notamment dans ma série suivante, où j’ai approfondi cette technique en réduisant mes interventions à l’essentiel. Cette recherche de dépouillement et d’efficacité dans le geste a d’ailleurs ouvert la voie à une réflexion plus large sur le médium, que j’ai ensuite réinvestie dans ma série mentionnée dans Repenser le médium : quand le fusain dialogue avec l’estampe et la sérigraphie.

La résonance des forces naturelles

À travers Scélérate, je voulais capter non pas seulement la forme des vagues, mais ce qu’elles symbolisent : le mouvement incessant, la transformation perpétuelle, et cette capacité à effacer et à recréer les lignes d’horizon. Ce travail reste pour moi une exploration essentielle des notions d’instabilité et de puissance naturelle, une tentative de rendre visible ce qui, par essence, est insaisissable.

         

 

 

Mes roses : une exploration picturale entre couleur, narration et temporalité

Bien avant que ma pratique artistique ne s'oriente vers le fusain, la sculpture ou les techniques hybrides inspirées de l’estampe et de la sérigraphie, j’avais entamé un dialogue singulier avec la peinture. Une série que j’ai nommée Mes roses a marqué une étape essentielle dans ma démarche. Était-ce un fondement intuitif de mes recherches ultérieures ? Ou simplement une expérimentation isolée, un écho qui résonne encore aujourd’hui ?

L’imagerie cinématographique comme point de départ

Dans cette série, j’ai cherché à explorer la manière dont la couleur, en tant que langage pictural, peut transcender les références narratives et iconographiques. Inspirées d’images cinématographiques, mes peintures se détachent volontairement de leur contexte d’origine. Ce "détournement narratif" vise à déconstruire les codes visuels qui les définissent, transformant une scène familière en une composition ouverte, plus abstraite et introspective.

  

La couleur comme langage du temps et de l’émotion

Au cœur de cette série, la couleur est pensée non seulement comme un vecteur de sensibilité, mais aussi comme un moyen de structurer la temporalité et l’émotion. Les peintures étaient organisées autour de trois palettes symboliques :

  • Les teintes de rose représentaient l’action émotionnelle, capturant l’intensité subjective d’un instant ou d’une relation.
  • Le noir et blanc symbolisait les événements passés, ancrant l’image dans une mémoire lointaine ou révolue.
  • Les couleurs originelles incarnaient l’instant présent, l’événement se déroulant sous nos yeux dans toute sa vitalité.

Ce langage chromatique faisait écho à mon intérêt pour la manière dont une image peut évoquer des états d’être ou des couches de sens au-delà de son apparence immédiate.

    

Une rupture dans la lecture iconographique

Chaque toile a été conçue pour brouiller la frontière entre ce qui est montré et ce qui est perçu. En jouant sur les ruptures dans la composition et en altérant subtilement les indices narratifs, j’ai cherché à créer des espaces de réflexion où l’iconographie s’efface au profit de l’expérience visuelle pure. Ce travail semble déjà contenir les germes d’un questionnement que j’explore encore aujourd’hui : comment une image peut-elle devenir l’épitomé de ce qu’elle représente, une essence intemporelle et universelle ?

    

Une étape dans une réflexion plus large ?

Avec le recul, je perçois dans Mes roses un désir latent d’interroger la transformation d’une idée à travers sa matérialisation visuelle. Cette interrogation, mêlant temporalité, émotion et forme, se retrouve dans mes séries de dessins au fusain où le geste d’effacement devient un moyen de révéler l’essentiel, ou dans mes sculptures où l’éphémère est figé dans la pierre. Bien que la peinture ait depuis laissé place à d’autres médiums, cette série marque pour moi une étape où j’ai commencé à explorer comment une œuvre peut résonner entre ce qu’elle montre et ce qu’elle évoque.

Une œuvre en écho

Mes roses s’impose donc comme une œuvre charnière, un moment où ma pratique artistique expérimentait déjà des idées de déconstruction et de transformation. En structurant mon travail autour de la couleur, de la temporalité et de l’émotion, cette série demeure un rappel que chaque étape de création, même apparemment isolée, nourrit une réflexion plus large en constante évolution.

 

 

Entre chaos et harmonie 

L'atelier n'est jamais figé : c’est un chaos organisé, un mélange de matières, d’outils, et d’idées en pleine effervescence. Chaque photographie est une fenêtre sur cet équilibre fragile, entre l’intuition et la maîtrise, où la création émerge peu à peu.